AJ Pénal 2007 p. 117 DALLOZ

AJ Pénal 2007 p. 117 DALLOZ

Le renforcement de l’équilibre de la procédure pénale : en faveur des droits de la défense ?

Philippe Vouland, Avocat au Barreau de Marseille, co-directeur de l’Institut de défense pénale

Le grand mérite de la médiatisation de l’affaire Outreau aura consisté en la mise en place d’une Commission d’enquête parlementaire présidée par Monsieur André Vallini. Cette Commission chargée « de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour en éviter le renouvellement » a permis entre le 10 janvier 2006 et le 12 avril 2006 d’auditionner 221 personnes et de formuler 80 propositions dans un rapport déposé le 6 juin 2006. Il est alors apparu au grand jour jusque dans les relais d’opinion classiques qu’une réforme en profondeur de notre procédure pénale était indispensable.

La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007, « tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale », directement issue de ces travaux n’a pas cette ambition, les 31 articles qui la composent n’entreront pas dans l’histoire législative de notre pays mais comportent un certain nombre de dispositions pouvant très sensiblement modifier la pratique de la procédure pénale.

Cette loi a pour ambition :

de renforcer la cohérence territoriale de l’instruction afin de favoriser le travail en équipe,

d’assurer le caractère exceptionnel de la détention provisoire,

d’améliorer le contradictoire lors de l’enquête comme de l’instruction,

de respecter le principe de célérité de la procédure pénale,

de renforcer la protection des mineurs victimes.

Cependant le calendrier de mise en place de ce texte se heurte à celui des grandes échéances électorales du printemps et laisse penser au commentateur que ces propos suivront inévitablement le sort de nombre de propositions étudiées ci-après et seront donc reportés aux prochains travaux de la prochaine commission qui travaillera pour éclairer la prochaine Assemblée nationale qui sera, n’en doutons pas, désireuse de réformer pour longtemps et en profondeur notre procédure pénale…

En commentant chronologiquement les articles visant à remplir les cinq objectifs évoqués précédemment, nous aurons soin de nous attarder sur les réformes d’application immédiate ou presque et d’évoquer celles dont nous avons la faiblesse de penser qu’elles ne verront le jour qu’avec une nouvelle loi votée entre-temps.

Une organisation territoriale privilégiant le travail en équipe
La collégialité de l’instruction
L’article 83 du code de procédure pénale est remplacé et prévoit que pour chaque information, une formation collégiale de trois juges d’instruction dont un magistrat du premier grade exerçant les fonctions de juge coordonnateur est désignée. Les principales décisions devront être obligatoirement prises de manière collégiale (mise en examen, octroi du statut de témoin assisté à une personne mise en examen, placement sous contrôle judiciaire, saisine du JLD, mise en liberté d’office, avis de fin d’information, ordonnance de règlement et de non-lieu). Les autres actes pourront être délégués à l’un des juges composant le collège.

Ces dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2010.

Cette mesure avait été une proposition phare il y a plus de 25 ans de Monsieur Badinter, garde des Sceaux. Elle est restée jusqu’à ce jour lettre morte, et nous ne pouvons qu’espérer qu’il n’en sera pas de même cette fois faute de moyens. Trois juges paraissent plus libres, plus sûrs, plus sereins qu’un seul soumis à toutes sortes de pressions.

Cette réforme pose cependant plusieurs questions pratiques aux défenseurs :

à qui parler ? qui est le leader de la collégialité ? le coordonnateur ? ou le délégué ?

la collégialité ne dilue t-elle pas la responsabilité ?

Ces questions sont évidemment à rapprocher de celles qui seront abordées ci-dessous quand nous évoquerons le temps et la manière de débattre du déroulement d’une instruction notamment en matière de détention provisoire.

Les pôles d’instruction
Cette mesure est applicable dès la parution d’un décret, et au plus tard le 1er mars 2008.

Un article 52-1 est créé dans le code de procédure pénale ; il prévoit que sont seuls compétents pour connaître d’une affaire criminelle les juges d’instruction composant un pôle d’instruction.

Tous les tribunaux n’ont pas de pôle d’instruction et leur compétence territoriale sera déterminée par décret. La coordination du travail des juges d’instruction d’un pôle pourra être assurée par un ou plusieurs juges d’instruction en tenant compte s’il y a lieu des différentes spécialisations déjà prévues par la loi (JIRS, financier…).

Cette disposition combattue par le Barreau constitue une sorte de rupture d’égalité devant la loi. En effet, il existe une cour d’assises par département (ceci demeure inchangé) ainsi qu’un juge d’instruction, au moins, compétent en matière criminelle (c’est ce qui change). La création des pôles d’instruction va concentrer la justice pénale dans les grandes villes, et éloigner les justiciables de leurs avocats les plus proches. Elle va privilégier les avocats des grandes villes et risque à terme de faire péricliter la culture de défense pénale dont peut s’enorgueillir le Barreau français. Cette culture indispensable à la bonne santé d’une démocratie s’entretient notamment par l’existence de débats criminels au plus près des victimes, des témoins, des présumés coupables, bref au plus près des gens. Nous ne voyons pas de raison particulière de défiance à l’égard de la justice en milieu rural, tous les praticiens savent que de « petits Outreau » peuvent exister quelle que soit la taille de la juridiction.

La cosaisine
Cette mesure est applicable dès la parution d’un décret, et au plus tard le 1er mars 2008.

Un article 83-1 du code de procédure pénale prévoit la désignation d’un ou plusieurs juges pour être adjoints au juge de l’instruction chargé d’une information « lorsque la gravité ou la complexité de l’affaire le justifie ». On peut penser que cette pratique, comme aujourd’hui, pourra être réservée à certaines affaires « sensibles » ou à certains dossiers complexes en raison de la nature de l’affaire ou du nombre de personnes impliquées (auteurs présumés ou victimes).

Pour l’avocat, l’intérêt majeur de ce texte provient du fait que la cosaisine qui est de la responsabilité du président du tribunal de grande instance peut intervenir soit d’office, soit sur réquisitoire du ministère public ou sur requête des parties si le juge initialement désigné donne son accord.

En cas de désaccord du juge ou de refus du Président, un appel est possible devant le Président de la Chambre de l’instruction qui statue dans le délai d’un mois.

Ces dispositions alimentent le débat et permettent de faire de la procédure-fiction. La cosaisine existe déjà, elle n’est souvent qu’une illusion, les juges concernés nous renvoyant à l’absence de temps ou de moyens. Elle est parfois un succès et l’alchimie de cette réforme va bien entendu au-delà de la simple application des textes.

Le législateur, dans l’article 8 de la loi, prévoit qu’un bilan sera fait deux ans après l’entrée en vigueur pour évaluer le fonctionnement de la collégialité, des pôles et de la cosaisine. Sage précaution, intéressante proposition…

La détention provisoire
Motivation et restriction de l’évocation du trouble à l’ordre public
Cette disposition est applicable le 1er juillet 2007.

Dans l’émotion, le gouvernement semble oublier les quatre précédentes lois qui ont eu pour effet d’augmenter de manière spectaculaire le nombre de détenus en France et affiche pour la première fois depuis la loi du 15 juin 2000, la volonté de diminuer le nombre de détentions provisoires.

L’article 144 du code de procédure pénale est réformé à nouveau et porte à sept en les affinant les critères de mise en détention. Il sollicite pour placer en détention « des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure » au regard desquels la détention est l’unique moyen pour parvenir à l’un des sept objectifs définis.

Ce nouvel article 144 précise en outre que le trouble à l’ordre public ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l’affaire et ne peut être évoqué en matière correctionnelle.

Ce dispositif invite le juge à motiver, à préciser, à définir. Il restreint le recours au trouble à l’ordre public. Cependant la pratique nous prouve que seuls les délais impératifs de validité d’un mandat de dépôt sont efficaces et rien dans ce texte n’empêchera les motivations standards validées année après année par la Cour de cassation.

Une petite révolution est cependant possible lorsque l’on examine les conditions du débat.

Publicité des débats : une responsabilité pour le Barreau
Le texte inverse la proposition habituelle en matière de publicité des débats. Aujourd’hui, le principe affirmé est : les débats se tiennent à l’audience d’un cabinet ou en chambre du conseil. Les parties peuvent solliciter la publicité des débats avant chaque audience. Les avocats par routine, par souci de ne pas indisposer, par certitude de la réponse négative, ne sollicitent pratiquement jamais l’application de cette mesure pourtant envisageable depuis la loi du 15 juin 2000.

La nouvelle rédaction des articles 145 et 199 du code de procédure pénale affiche le principe de la publicité des débats et affirme que c’est le huis clos qui doit être requis ou sollicité par une des parties, et motivé. Cette exception est envisageable si l’enquête porte sur des faits visés à l’article 706-73 du code de procédure pénale (crimes et délits les plus graves pour la plupart commis en bande organisée) ou si la publicité est de nature à entraver les investigations nécessitées par l’instruction ou de nature à porter atteinte à la présomption d’innocence.

Les pessimistes s’attendent à une connivence parquet/siège, nous ramenant à la case départ. Les optimistes pensent que les juges vont respecter l’esprit de la loi et limiter les exceptions. En effet, notamment après quelques mois et y compris pour des infractions visées à l’article 706-73 du code de procédure pénale, la publicité des débats ne saurait nuire à la manifestation de la vérité. Dans cette hypothèse optimiste, il est évident que la préparation de l’audience pour le président de la Chambre de l’instruction sera différente.

En effet, si le ministère public requiert le huis clos dans 15 affaires sur 30, il y aura 15 débats préalables et il faut espérer que les avocats en raison de cette proposition inversée ne se sentiront pas culpabilisés au « point de s’en rapporter à justice » pour complaire à la bonne administration de celle-ci.

Cet aspect de la loi nouvelle constitue à n’en pas douter une évolution marquante et nous ne pouvons qu’attirer l’attention du Barreau sur la responsabilité qui peut être la sienne dans les semaines qui viennent.

Il sera sans doute intéressant dans ces colonnes de commenter dans quelques mois d’application du principe de publicité des débats pendant l’instruction.

L’avocat peut plaider en Chambre de l’instruction
Cette disposition est d’application immédiate.

L’article 199, alinéa 2, source de nombreux incidents entre les avocats et le président de la Chambre de l’instruction, précisait dans sa dernière rédaction : « Après le rapport du conseiller, le procureur général et les avocats des parties qui en ont fait la demande présentent des observations sommaires ». Le nouvel alinéa 2 de l’article 199 est aujourd’hui rédigé de la manière suivante : « Après le rapport du conseiller, le procureur général et les avocats des parties sont entendus ».

Ce texte ainsi que ce qui précède est incontestablement de nature à modifier fondamentalement le déroulement des audiences de la chambre de l’instruction. Les magistrats qui composent ces juridictions sont surchargés de travail, les dispositions qui précèdent ne sont pas de nature à alléger celui-ci. Il est incontestable qu’un effort matériel devra être fait pour que cette loi soit respectée.

L’avocat obligatoire : une nouvelle charge pour le Barreau
Cette disposition entre en vigueur le 1er juillet 2007.

L’article 145 du code de procédure pénale prévoit désormais dans son cinquième alinéa que le placement en détention se fait impérativement en présence d’un avocat ; si l’avocat choisi ne peut se déplacer, un avocat commis d’office le remplace. Cet acte de très grande importance qui ne peut être banalisé et qui précède le fameux « choc carcéral » est enfin traité à sa juste mesure, le législateur voulant obliger toute personne sur le point d’être incarcérée à se défendre. Cette préoccupation est plus qu’honorable. Une fois de plus, l’intendance ne suivra pas… Le Barreau y pourvoira. Est-ce normal ?

L’incarcération provisoire
Cet article entre en vigueur le 1er juillet 2007.

Cette incarcération est prévue par un nouvel alinéa de l’article 145 pour une durée de quatre jours afin de permettre au juge des vérifications susceptibles de permettre de placer une personne sous contrôle judiciaire.

L’ordonnance ainsi prise peut faire l’objet d’un appel – référé-liberté (art. 187-1 c. pr. pén.). Cette disposition ne peut pas nuire, il sera intéressant de consulter les statistiques futures…

Instauration « d’une mise en état »
Cette disposition est d’application immédiate.

Il est inséré dans le code de procédure pénale un article 221-3 qui prévoit que lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis le placement en détention provisoire de la personne mise en examen, que cette détention est toujours en cours et que l’avis prévu par l’article 175 n’a pas été délivré, le président de la Chambre d’instruction peut d’office ou à la demande du ministère public, ou de la personne mise en examen, décider de saisir cette juridiction afin que celle-ci examine l’ensemble de la procédure.

Le président de la Chambre de l’instruction statue dans les huit jours de la réception de la demande, sa décision n’est pas susceptible de recours.

Cette audience qui devient une véritable audience de la mise en état doit avoir lieu de manière publique avec les mêmes exceptions qu’en matière de détention provisoire.

Les parties peuvent déposer les mémoires deux jours ouvrables avant la date prévue de l’audience et la Chambre de l’instruction a alors de très grandes possibilités :

– mise en liberté même sans demande en ce sens (!!),

– prononcer des nullités,

– évocation partielle en ne procédant qu’à certains actes,

– envoi du dossier au juge d’instruction avec injonction et délai,

– désignation d’un ou plusieurs autres juges d’instruction,

– dessaisissement du juge,

– ordonnance de règlement ou de non-lieu y compris partiel.

L’arrêt de la Chambre de l’instruction doit être rendu au plus tard trois mois après la saisine par le président à défaut de quoi, les personnes placées en détention sont remises en liberté.

La Chambre de l’instruction peut être saisie dans les mêmes conditions six mois après que l’arrêt soit devenu définitif.

De nombreuses procédures, y compris avec détenus, peuvent parfois s’enliser en raison d’expertises importantes qui ne sont pas rendues dans les délais, en raison de changements d’affectations des juges d’instruction qui maîtrisaient parfaitement tout le dossier et qui ne peuvent transmettre toute leur connaissance de celui-ci au juge nouvellement désigné.

Les dispositions de ce nouvel article 221-3 du code de procédure pénale sont de nature à renforcer les droits de la défense, les écueils évoqués précédemment sur la dilution de responsabilité en matière de collégialité sont très largement compensés par ces nouvelles dispositions qui permettent un commentaire écrit, oral et public susceptible d’éviter des erreurs et des abus.

Améliorer le contradictoire
L’enregistrement des gardes à vue
Cette disposition entre en vigueur le 1er juin 2008, avec possibilité d’application immédiate décidée par le procureur, l’OPJ ou le juge d’instruction.

L’article 64-1 du code de procédure pénale prévoit désormais un enregistrement audiovisuel des personnes gardées à vue dans les affaires criminelles, à l’exception des plus graves (celles prévues par l’article 706-73 du code de procédure pénale). L’enregistrement, qui est détruit cinq ans après l’extinction de l’action publique, ne peut être consulté qu’en cas de contestation du contenu d’un procès-verbal. Lorsque le nombre de gardés à vue devant être interrogés simultanément fait obstacle à l’enregistrement de tous les interrogatoires, le procureur désigne par décision écrite la ou les personnes qui doivent être enregistrées.

Ce nouvel article qui indispose grandement la police tient, nous semble-t-il, beaucoup plus du gadget médiatique que de la protection des gardés à vue et des enquêteurs qui est le but affiché de la mesure. En effet, l’exclusion de tous les délits et celle des crimes les plus graves réduit considérablement la portée de cette mesure (probablement moins de 2% des gardes à vue). D’autre part, les violences policières ne s’exercent pas forcément dans les affaires les plus graves. En outre, la sélection faite par le procureur et l’évocation de « l’impossibilité technique » qui ne fait l’objet que d’un simple avis portent en elles les germes de contestations, d’insinuations voire d’accusations futures.

Certes la transparence et « l’oeil extérieur » ont des vertus, certes le manque de spontanéité dû à la présence de caméra s’estompera peu à peu mais en matière de respect de la dignité, de contrôle de régularité de la procédure ou de la bonne rédaction des procès-verbaux, rien ne vaut la présence de l’avocat aux côtés des gardés à vue pendant les interrogatoires…

Nous devons également souligner qu’avec une constance remarquable le législateur estime que plus l’accusation portée est grave moins les garanties doivent être étendues. L’exception des infractions prévues par l’article 706-73 du code de procédure pénale en est une parfaite illustration. Plus le patient est malade, moins il mérite de soins.

Enregistrement des interrogatoires du juge d’instruction
Cette disposition entre en vigueur le 1er juin 2008 avec possibilité d’application immédiate d’office ou sur demande des parties.

Cette mesure n’a jamais été sollicitée par les avocats et il semble qu’elle ait été inventée pour contrebalancer la vexation que subissaient la police et la gendarmerie qui s’estimaient injustement soupçonnées dans le débat qui a précédé l’adoption de l’enregistrement des gardes à vue. Elle est soumise à la même exception (infractions les plus graves) que précédemment.

Cet enregistrement va lui aussi ôter beaucoup de spontanéité mais l’avocat n’étant pas obligatoire et donc pas toujours présent, ce parallélisme avec la garde à vue peut se justifier.

Il est incontestable que ces enregistrements couperont court au traditionnel « Je n’ai pas dit ceci », « le juge (ou le policier) a mal retranscrit », « les enquêteurs ont écrit ce qu’ils voulaient », « je n’en pouvais plus », « j’ai signé sans relire »… Il n’est pas exclu que nous ayons des surprises, donc essayons ce gadget et attendons l’application de l’article 16 de la loi qui prévoit deux ans après l’entrée en vigueur de cet aspect du texte, un bilan de la mise en oeuvre de l’enregistrement audiovisuel de ces interrogatoires en vue de leur extension.

La possibilité de changer de statut
Cette disposition entre en vigueur le 1er juillet 2007.

Un article 80-1-1 du code de procédure pénale prévoit qu’une personne mise en examen peut solliciter du juge d’instruction qu’il revienne sur sa décision et lui accorde le statut de témoin assisté.

Cette demande ne peut être faite qu’à l’issue d’un délai de six mois après la mise en examen et tous les six mois. Elle peut aussi être faite dans les dix jours qui suivent la notification d’une expertise ou un interrogatoire au cours duquel la personne est entendue sur les résultats d’une commission rogatoire ou sur les déclarations de la partie civile, d’un témoin assisté ou d’une autre personne mise en examen.

Cette nouvelle mesure est inattaquable sur le plan théorique ; elle permet sans doute d’aller à petits pas vers un non-lieu, elle permettra sans doute également de médiatiser dans certaines affaires une telle décision… Il est cependant à craindre que cette disposition soit extrêmement peu utilisée en pratique.

Une nouvelle organisation des confrontations
Cette disposition entre en vigueur le 1er juillet 2007.

Les confrontations organisées dans l’affaire Outreau ont fait l’objet de longs commentaires et de critiques véhémentes de la part des avocats.

En effet lorsqu’une personne est mise en cause par plusieurs autres personnes, la confronter d’un seul coup à l’ensemble des « accusateurs » est un facteur de déséquilibre, les personnes qui témoignent à charge pouvant se conforter les unes les autres et influencer gravement l’intime conviction du juge d’instruction.

C’est pour cette raison qu’il est inséré dans le code pénal un article 120-1, qui prévoit que les personnes peuvent demander conformément au 1er alinéa de l’article 82-1 et au 2e alinéa de l’article 113-3 à être confrontées séparément avec chacune des personnes les accusant. Le juge d’instruction peut rejeter une telle demande mais son refus ne peut être motivé pour la seule raison qu’une confrontation collective est organisée.

Cette disposition est incontestablement favorable à l’exercice des droits de la défense. Il paraît difficile de tenir une statistique concernant cette question mais la pratique sera intéressante à observer.

Les expertises
Cette disposition entre en vigueur le 1er juillet 2007.

La décision ordonnant une expertise est maintenant communiquée au procureur et aux parties selon un nouvel article 161-1 du code de procédure pénale. Les parties disposent d’un délai de dix jours pour demander au juge d’instruction de compléter les questions ou de voir adjoindre à l’expert désigné un expert de leur choix figurant sur une des listes mentionnées à l’article 157.

Un appel est possible dans les dix jours auprès du président de la Chambre de l’instruction qui statue par décision motivée non susceptible de recours.

Cette disposition n’est pas applicable si les opérations d’expertise doivent intervenir dans l’urgence. Il en est de même lorsque ces expertises n’ont pas d’incidence sur la détermination de la culpabilité de la personne mise en examen.

La nouvelle loi permet également sous différentes conditions que des rapports d’étape ou des rapports provisoires soient déposés. Il convient de noter que le délai pour présenter les observations après le dépôt d’un rapport provisoire ne saurait être inférieur à quinze jours ou à un mois s’il s’agit d’une expertise comptable et financière. Le dépôt d’un rapport provisoire est obligatoire si une des parties en fait la demande mais il convient de noter que si aucune observation n’est faite après le dépôt d’un rapport provisoire, il devient définitif.

Ces nouvelles dispositions sont incontestablement un progrès et la justice pénale en s’inspirant de ce qu’il y a de meilleur dans la justice civile fait un grand pas vers plus de modernité et de clarté.

A n’en pas douter, dans les affaires complexes concernant l’environnement, la santé ou les affaires financières et économiques, ce texte aura une grande utilité.

La fin de l’instruction, le nouvel article 175 du code de procédure pénale
Cette disposition entre en vigueur le 1er juillet 2007.

Le fameux délai de vingt jours disparaît. Désormais le procureur dispose d’un délai d’un mois si une personne mise en examen est détenue et de trois mois dans les autres cas pour adresser ses réquisitions dont la copie est adressée en même temps aux avocats des parties. Celles-ci disposent du même délai pour adresser des observations écrites au juge d’instruction selon les modalités de l’article 81. Les copies de ces observations doivent être adressées au procureur de la République.

Dans ce même délai, les parties peuvent formuler des demandes d’actes (art. 81, al. 9, 82-1, 156, al. 1, 173, al. 3). A l’expiration de ce délai, elles ne sont plus recevables à formuler de telles requêtes.

Un nouveau délai de dix jours s’ouvre après le délai d’un mois ou de trois mois pour permettre aux parties de présenter des observations complémentaires au vu des observations ou réquisitions qui leur ont été communiquées.

A l’issue de ces délais, le juge d’instruction peut prendre une ordonnance de règlement y compris s’il n’a pas reçu de réquisition ou d’observation.

Pour compléter ce dispositif, l’article 184 est modifié. Il invite le juge à motiver ses ordonnances de renvoi au regard des réquisitions et des observations visées par l’article 175 et demande au juge de préciser les éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes mises en examen.

Ces nouvelles dispositions, tout comme celles concernant ce que nous avons appelé la mise en état et celles concernant l’expertise sont faites pour favoriser l’échange de points de vue et pour permettre de manière convenable que ceux-ci s’expriment.

Le rappel de l’obligation de statuer à charge et à décharge n’est évidemment pas inutile.

Les dispositions de ce nouvel article 175 constituent certainement une amélioration du contradictoire dans l’instruction.

Favoriser la célérité de la procédure
Le pénal ne tient plus le civil en l’état
Cette disposition est d’application immédiate.

L’article 4 du code de procédure pénale prévoyant le sursis à statuer sur l’action civile est complété par l’alinéa suivant :

« la mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elle soit, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ».

Il est très probable que de très nombreuses voix vont s’élever pour la suppression de cet alinéa.

En effet, il ne favorise en rien la célérité de la procédure pénale et constitue une quantité négligeable dans l’océan des affaires civiles. Ce texte annonce lui-même sa propre source d’insécurité puisqu’il dit expressément : « ne tenez pas compte d’une décision future qui pourrait influencer votre jugement ».

Comprenne qui pourra…

Les nouvelles conditions de recevabilité des constitutions de partie civile
Cette disposition entre en vigueur le 1er juillet 2007.

Les juges d’instruction s’estiment submergés par les affaires de plainte avec constitution de parties civiles.

Le législateur a donc voulu réduire la mise en mouvement de l’action publique.

Il est donc prévu par un nouvel alinéa de l’article 85 du code de procédure pénale que la partie civile n’est recevable qu’à condition que la personne justifie soit que le procureur lui a fait connaître, à la suite d’une plainte déposée, qu’il n’engagera pas lui-même des poursuites soit qu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis que cette plainte a été déposée ; ces dispositions ne concernent pas la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 ni de nombreux aspects du code électoral.

La prescription de l’action publique est suspendue, au profit de la victime, du dépôt de la plainte jusqu’à la réponse du procureur de la République ou au plus tard une fois écoulé le délai de trois mois.

Compte tenu des délais de classement sans suite dans de très nombreux tribunaux, cette disposition même si elle retarde les constitutions de partie civile de trois mois n’aura que peu d’effet.

Nous ne pouvons que nous en réjouir, il ne paraît pas sain que pour des questions d’intendance, on ferme la porte de l’accès au juge.

La nouvelle rédaction de l’article 86 du code de procédure pénale paraît plus réaliste et plus équilibrée, le procureur peut en effet désormais prendre des réquisitions de non-lieu dans les cas où il est établi de façon manifeste, le cas échéant au vu d’investigations, que les faits dénoncés par la partie civile n’ont pas été commis.

La limitation des constitutions de partie civile sur incitation financière
Il est inséré dans le code de procédure pénale un article 88-2 qui permet au juge d’instruction en cours de procédure d’ordonner à la partie civile qui demande la réalisation d’une expertise de verser préalablement un complément de consignation afin de garantir le paiement des frais susceptibles d’être mis à sa charge.

La Chambre de l’instruction peut également ordonner cette consignation complémentaire lorsqu’elle est saisie après un refus d’ordonnance d’expertise.

De même lorsque après un non-lieu prononcé par le juge d’instruction ou la Chambre de l’instruction, il est estimé que la constitution a été abusive ou dilatoire, les frais de justice correspondant aux expertises ordonnées à la demande de la partie civile peuvent être mis à la charge de celle-ci.

Ces dispositions fort heureusement ne s’appliquent pas en matière criminelle et en matière de délit contre les personnes ni lorsque la partie civile a obtenu l’aide juridictionnelle.

Dispositions renforçant la protection des mineurs
Ces dispositions sont d’application immédiate.

L’avocat obligatoire pour le mineur victime
Il est inséré un article 706-51-1 dans le code de procédure pénale prévoyant que tout mineur victime des infractions mentionnées à l’article 706-47 (meurtres ou assassinats accompagnés de viols, tortures actes de barbarie, agressions ou atteintes sexuelles, proxénétisme, recours à la prostitution) doit être assisté par un avocat éventuellement commis d’office.

L’enregistrement audiovisuel obligatoire
Pour les mêmes infractions que prévues précédemment, l’enregistrement était jusqu’à présent prévu avec le consentement du mineur ou s’il n’était pas en mesure de le donner celui de son représentant légal. Cet aspect-là est supprimé et rend donc obligatoire l’enregistrement audiovisuel. Cet enregistrement, sur décision du procureur de la République ou du juge d’instruction, si l’intérêt du mineur le justifie, ne peut être que sonore.

Ces dernières dispositions vont dans le sens d’une plus grande protection des intérêts des mineurs victimes et n’appellent pas de commentaires particuliers.

CONCLUSION
La loi que nous venons de présenter et de commenter a été débattue et votée trop rapidement. Elle n’est qu’un pâle reflet de la richesse des débats qui l’ont précédée. Elle apporte cependant des modifications de notre procédure pénale qui peuvent incontestablement retrouver leur place dans les lois futures.

L’incitation faite aux parties d’échanger, de produire de l’argumentation parce qu’un espace est enfin permis à cet effet doit permettre aux juges d’être mieux éclairés.

De même, la publicité donnée aux débats qui précèdent la mise en détention, l’attention qui est portée à cet acte capital méritent d’être saluées.

Il faut toutefois noter que ces dispositions prises dans l’émotion d’un fait divers hors du commun, ne concernent que 2% ou 3% des affaires pénales. Dans 97% d’entre elles, les droits de la défense continueront à s’exercer à l’audience avec des procédures rédigées sans contrôle et qui ne sont jamais ou presque remises en cause par les juges.(1)

Mots clés :
DROITS DE LA DEFENSE * Assistance * Débat contradictoire * Information * Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007

(1) L’AJ Pénal, dans son numéro 3/2007, a consacré un dossier à la loi du 5 mars 2007 sur l’équilibre de la procédure pénale : premiers commentaires composé, outre la présente contribution, des articles suivants :

La loi du 5 mars 2007 et l’instruction préparatoire, par Christian Guéry, p. 105.

La détention provisoire : un équilibre renforcé ?, par Magalie Nord-Wagner, p. 113.

AJ Pénal © Editions Dalloz 2013